Bien avant que le diabète ne s’invite dans mon corps par un gros coma hyperglycémiant à 28 ans en 1999, j’étais déjà très sportive.

Le diabète fut certes un choc, mais quand j’ai compris que je pouvais continuer à manger du chocolat (!) et faire du sport, pour moi c’était réglé. Mieux valait se faire une amie de cette maladie, car sinon son côté sournois nous rappelle très vite à l’ordre…
Depuis ce jour fatidique, je fais par conséquent mon maximum pour en faire une alliée (c-à-d de nombreuses glycémies quotidiennes, une alimentation équilibrée et beaucoup de sport), mais parfois c’est aussi à elle de me suivre dans mes projets les plus fous: devenir maman 2x, la course à pied (depuis l’âge de 16 ans je ne manque jamais mon défi printanier des 10km de Lausanne!), 5 ans de kickboxing, un peu d’escalade, et 2x la course de Sierre-Zinal (en 2010 et 2013).
Le diabète ne m’a donc jamais freinée dans mes rêves et mes activités, il suffit juste d’oser… et surtout de faire les adaptations nécessaires.

La randonnée en montagne :

Depuis un peu plus d’une dizaine d’année cependant, j’ai découvert une nouvelle activité sportive qui s’allie on ne peut mieux avec le diabète puisqu’il s’agit d’endurance sur une longue durée: c’est la randonnée en montagne.
En plus d’un groupe de marche avec qui je marche régulièrement de mai à septembre, j’ai fait pendant de nombreuses années la randonnée d’été en France organisée par l’association française Randonnée et Diabète. Et oui, les Suisses y sont les bienvenus, et les non-diabétiques aussi d’ailleurs! Cela m’a ainsi fait découvrir de magnifiques coins de montagne français.

En 2015 cette fameuse randonnée n’avait pas lieu, il m’a donc fallu trouver autre chose. Je me suis alors lancée avec une amie sur le TMB (Tour du Mont-Blanc) sportif en liberté sur 9 jours, nous marchions avec un sac de 12 kilos de refuge en refuge, tout en restant en altitude.
Bien sûr, il y a certes les hypoglycémies à gérer, mais la pompe à insuline permet de marcher quasi toute la journée avec seulement 10 à 30% d’insuline, j’utilise par conséquent 1/3 d’insuline sur 9 jours.
De plus, je me suis vite rendue compte que je récoltais les 6 mois suivants les bénéfices d’une telle dépense physique, j’avais en effet besoin de moins d’insuline après-coup, et j’avais une excellente hémoglobine gliquée!

L’été dernier nous avions cette fois prévu de faire le Tour du Cervin en 9 jours aussi.
Malheureusement mon amie s’est faite une entorse 2 semaines avant le départ, si bien que je me suis lancée seule dans cette nouvelle randonnée!

Et bien le fait de marcher seule, avec pour seul compagnon le diabète, fut une révélation pour moi. Non seulement je me fais du bien physiquement, mais c’est surtout le fait de pouvoir se vider la tête, une sorte de ressourcement d’être pour une fois…sans mari, sans enfants, sans amis, sans élèves (et oui, je suis prof 😉)…cela fait un bien fou!

L’été 2017 :

Si bien que cet été, c’est délibérément seule que je me suis lancée du 10 au 21 juillet sur la Haute-Route Chamonix-Zermatt par les sentiers (pas par les glaciers), 200km avec un sac de 15 kilos cette fois, 7 à 9 heures de marche par jour avec minimum 1400m de dénivelé positif, et entre 15 à 20km par jour!

Ce fut fantastique, et cette aventure devait se terminer avec une cerise sur le gâteau: l’ascension du Cervin!
En effet, il y a une certaine logique dans ma démarche: après avoir tourné autour du Mont-Blanc, tourné autour du Cervin, relié Chamonix à Zermatt, il ne me restait plus qu’à gravir le Cervin! Mais là on parle d’une altitude de 4478m, c’est une autre paire de manches…
Malheureusement, quand je suis arrivée à Zermatt le 20, il y avait des orages de prévu durant les jours suivants, aussi le guide a préféré remettre l’ascension au 4-5 août.
Soit.
Seulement entre-deux j’avais prévu 11 jours de vacances avec les enfants dans le sud de l’Italie au bord de la mer du 24 au 3 août!
Dame.
Si vraiment je devais faire ce Cervin à peine rentrée, il me fallait garder le physique et ne pas trop craquer pour…les pizzas, pâtes, glaces et pâtisseries italiennes 😁.
Ouf. L’hôtel-club proposait de tels buffets avec entre autre fruits et légumes frais, qu’il ne me fut pas difficile de faire un peu attention…
De plus, fantastique, l’hôtel proposait également plein de cours d’aquagym dans la mer et la piscine, des cours de danse, du Pilates, le tout complété par 5 footings dans le sable au bord de la mer…j’étais sauvée!

L’ascension du Cervin :

Car oui, l’ascension pouvait bel et bien se faire le 4-5 août, il y avait une bonne plage météo!
Donc arrivée à 16h à la maison le 3, je repartais déjà à 6h du matin le 4 pour rejoindre Cervinia, le côté italien du Cervin.
Ben oui, mon guide (Oscar Cametti) pensait que c’était plus intéressant et technique de grimper par l’arête du Lion que par l’arête du Hörnli en Suisse! Il y a certes bcp moins de monde, mais c’est aussi deux fois plus difficile…

Passée en 24h de 39C à…la neige, me voici lancée dans cette nouvelle aventure.

Nous étions ce jour-là 4 clients (un Belge, un Roumain et un Italien) et 4 guides (c’est un guide par client), j’étais donc la seule femme, qui plus est avec un « handicap » 😁.
J’ai vite compris que là je rentrais réellement dans le monde de l’alpinisme pur…
En effet, l’ascension du Cervin de ce côté-là (on part de 2800m), c’est QUE de l’escalade vertigineuse, des grosses cordes qui pendent et sur lesquelles il faut se tirer, tout ça avec une dimension aérienne, sans cesse le vide de chaque côté, dans un monde de pierriers infini…
Ma grande force en montagne est que je ne souffre heureusement pas du tout du vertige, vraiment aucune peur du vide, doublé d’un bon équilibre.
Mais là, la force physique qu’il faut pour gravir les 1000m et atteindre le refuge Carrel à 3835m est inimaginable.
J’avais beau être super prête physiquement, pleine de bonne volonté, je ne m’attendais pas à ça!
200m sous la cabane je me suis soudain retrouvée en état d’épuisement total, pendue au milieu d’une corde contre une paroi verticale où l’on ne peut pas poser les pieds… Et c’est à ce moment-là en plus que j’ai ressenti le palier (propre à chacun) d’altitude: des nausées et plus de force ni dans les bras, ni dans les jambes 😳.
J’étais désespérée, je me voyais déjà abandonner, quand je me suis sentie subitement tirée, 2 hommes aidaient mon guide à me hisser en-haut de cette paroi!
Mais j’étais pas très fière, le sommet me paraissait alors inatteignable…

Et puis le miracle de la montagne agit.

Après du repos à la cabane non gardiennée (notre groupe de 8 avait cependant une cuisine et un dortoir à part), un bon plat de pâtes le soir, un peu de vin rouge, de bonnes discussions et de gros rires (le passage aux toilettes est une expérience en soi!!), et un somnifère, me voilà requinquée à 4h du matin quand le réveil sonne. Il paraîtrait même que j’étais la seule des 8 à avoir ronflé!! Qu’à cela ne tienne, au moins cela prouve que j’ai bien dormi 😉.

Les 3 premières heures se grimpent à la frontale, donc je me concentrais uniquement sur les 2 mètres que je voyais devant moi, pas après pas, sans voir le vide et le reste à gravir… A un rythme lent (on est à plus de 4000m), j’ai passé toutes les autres cordes sans problème, et avec mon guide (dont c’était la 33e ascension!), nous sommes arrivés les premiers des 4 cordées à 8h30 au sommet italien du Cervin!
Quelle récompense, quelle beauté que ce ciel immaculé avec un beau soleil à peine levé sur les cimes environnantes! Que du bonheur.
J’avais juste oublié de mettre mon appareil à glycémie au chaud, si bien qu’il ne fonctionnait plus… Ma foi il fallait continuer « au radar » comme on dit…😏.

La descente fut très longue et éprouvante, bien plus dangereuse que la montée puisque chaque pierre peut vous faire basculer, heureusement qu’il y eut les nombreux rappels!
Peu avant de retrouver la cabane, je me suis à nouveau sentie mal. A ce moment-là je pus enfin contrôler ma glycémie: j’étais à 21,7 mm!! Ben oui, un peu d’adrénaline je pense, plus le cathéter que je devais changer, pas de miracles…
Mon guide, dont c’était le premier client diabétique, me dit paniqué: « Pas de problèmes, j’appelle l’hélicoptère! ». Je lui ai dit qu’il suffisait simplement de changer le cathéter, ce que j’ai dû cependant faire en pleine montagne dans un terrain hostile!
45′ plus tard j’étais à 6,3 mm au refuge, tout allait bien.
Les dernières heures dans ces cailloux qui n’en finissaient pas furent infernales, enfin à 15h30 nous étions en bas.

Fatiguée mais heureuse, j’avais fini mes vacances en apothéose, avec de plus le sentiment d’avoir porté le diabète très haut 😊.

Tania Volery

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